Législatives et Rassemblement national : neutralité ou complaisance ?
« A la croisée des chemins ». Dans un éditorial publié ce lundi 1er juillet dans Le Républicain Lorrain, Vosges Matin et L’Est Républicain, Sébastien Georges, rédacteur en chef de ces trois journaux, et promu récemment comme l’un des « coordinateurs des rédactions du groupe Ebra », a envoyé un message inquiétant à ces trois rédactions et plus largement aux 1400 journalistes des neuf titres du groupe de presse régionale détenu par le Crédit Mutuel (*).
Alors que les rédactions s’interrogent sur le traitement éditorial de la période, dans le contexte d’un possible basculement historique, et sur l’attitude qu’il conviendra d’adopter vis-à-vis du pouvoir à partir du 7 juillet, en cas d’accession du Rassemblement national à la tête du gouvernement, la réflexion collective sur le sujet semble avoir déjà été confisquée par les rédacteurs en chef des journaux du groupe.
Pas d’appel au barrage républicain –on n’en n’attendait pas tant– mais le choix de la « neutralité » qui semble d’ores et déjà acté à travers cet éditorial ne manque pas d’interroger. Sous la plume de Sébastien Georges, il n’est nulle part écrit le terme extrême droite, et ça ce n’est déjà plus neutre.
A quel moment la neutralité devient complaisance ? D’un côté il y aurait donc un « rassemblement de forces hétéroclites ». De l’autre, un « parti que de nombreux Français considèrent comme républicain », mais dont les « approches et analyses peuvent être contestables » (ouf).
Quid de ses racines fascistes ? Quid du racisme débridé que provoque la montée en puissance de ce parti xénophobe ? Quid du risque de fracture de la société, rien qu'avec le discours sur les binationaux qui ne seraient pas des vrais nationaux, le tri des citoyens français, les vrais, les faux, les bons, les mauvais ? Quid des 55 candidats présentés par le RN ayant été condamnés pour des écrits ou propos antisémites, racistes, homophobes, négationnistes ?
Rien d’étonnant de la part de ce rédacteur en chef des journaux de l’Est, qui avait asséné lors du CSE de juin de L’Est Républicain, devant des élus médusés : « Par respect pour nos lecteurs, nous n’avons aucun intérêt à stigmatiser un parti plutôt qu’un autre ».
Dans la période, se contenter d’observer la catastrophe qui arrive, et de compter les points, pour ne pas risquer de froisser une partie de notre lectorat, est une faute. Au-delà de ne pas être du tout à la hauteur des enjeux, cette « neutralité » n’est acceptable ni moralement, ni déontologiquement. Si l’on veut s’en tenir à un point de vue purement journalistique, nommer les choses (extrême-droite = populisme et xénophobie), est-ce déjà trop demander ?
Premier syndicat de la profession, majoritaire dans la plupart des rédactions du groupe, le SNJ en appelle à une réaction collective, pour ne pas laisser glisser les lignes éditoriales de nos journaux vers une illusion d’objectivité, au profit des ennemis de la démocratie. Et de la liberté de la presse.
(*) Le Dauphiné Libéré, le Progrès, Le Journal de Saône-et-Loire, le Bien Public, L’Est Républicain, Vosges Matin, Le Républicain Lorrain, L’Alsace, Les Dernières Nouvelles d’Alsace.