Protégez-nous ! Le cri d'alarme des correspondants à l’étranger

Protégez-nous ! Le cri d'alarme des correspondants à l’étranger

« Ces bouts d’histoires venues de tous les continents, le fruit de notre travail, nous les recueillons parfois au péril de nos vies. » Alors que se sont ouverts les Etats généraux de l'information ce 3 octobre, un large ensemble de journalistes correspondant·es à l’étranger interpellent les pouvoirs publics sur la détérioration de leurs conditions de travail. « Notre travail rigoureux au plus proche du terrain vous permet de savoir ce qu’il se passe à l’autre bout du monde. Nous demandons de ne pas avoir peur de tomber malades lorsque nous travaillons ».


Alors que les Etats généraux de l’information (EGI) viennent d’être officiellement lancés, ce 3 octobre, nous, plus de 170 journalistes correspondant·es ou ex-correspondant·es à l’étranger, interpellons les pouvoirs publics sur la détérioration de nos conditions de travail. Ce lundi 16 octobre, au Sénat, un séminaire établira un diagnostic, afin d’étudier les pistes législatives et parlementaires susceptibles d’améliorer notre quotidien, notamment en matière de protection sociale. Monsieur le Président Emmanuel Macron, donnez-nous les moyens de continuer à exercer notre métier !

Le premier direct après le tremblement de terre au Maroc ? C’est nous. Le coup d’Etat au Niger, la démission du président de la Fédération espagnole de football, le procès de Donald Trump ? C’est encore nous.

Les images de paysages insolites ; le son de l’espagnol, du peul, de l’arabe, de l’hindi ou du mandarin au bout du micro ; les enquêtes de fond qui nécessitent un travail de longue haleine… Toute cette matière qui alimente vos réseaux sociaux et vos chaînes favorites tout au long de l’année, c’est le fruit de notre travail. Ces bouts d’histoires venues de tous les continents, nous les recueillons parfois au péril de nos vies. Notre travail alimente les JT et remplit les pages internationales des médias.

Nous, journalistes, correspondant·es, souvent rémunéré·es à la pige, qui habitons à l’étranger pour y couvrir l’actualité pour les médias français, nous vivons dans ces pays, en apprenons la langue et les coutumes, en connaissons les acteurs. En première ligne et au plus près de l'actualité, nous tournons des reportages, écrivons des articles, prenons des photos pour que nos publics aient rapidement une information fiable et de qualité. Nous épaulons souvent les envoyés spéciaux que les médias dépêchent dans un deuxième temps pour compléter notre couverture quand l'actualité exige des renforts.

Mais depuis plusieurs années, nos conditions de travail se détériorent : déjà précaires, nous le devenons de plus en plus. Des médias, nos employeurs, rechignent à nous payer en salaire, comme l’exige la loi. Alors que la jurisprudence reconnaît notre statut de salarié.e, ils sont de plus en plus nombreux à nous traiter comme des prestataires et nous payent en facture. D’autres, faisant mine de respecter la législation en place, nous délivrent des bulletins de salaire amputés des cotisations sociales. En l’état du droit actuel, la sécurité sociale, quant à elle, a déjà radié plusieurs journalistes correspondant·es.

Les conséquences sont dramatiques. C’est cette journaliste en Ukraine, victime de stress post-traumatique, qui doit renoncer à un arrêt maladie pour ne pas se faire radier par la sécurité sociale. C’est cette journaliste qui n’a pas pu bénéficier du congé maternité et qui n’a touché aucun revenu pendant 5 mois. C’est aussi cette journaliste qui travaille pour un média public, mais rattachée à une boîte de production basée en Côte d’Ivoire avec un contrat de droit mauricien.

Le Président Emmanuel Macron a appelé les journalistes à l’étranger à porter la voix de la France. Permettez-nous, Monsieur le Président, d’émettre des réserves sur la formule et de réaffirmer notre indépendance. Mais il est toujours temps de vous pencher sur nos conditions de travail.

Aujourd’hui, nous interpellons les autorités françaises, les législateurs et les médias qui nous emploient : nous exigeons d’avoir accès, comme nos autres collègues journalistes, à une couverture santé, à une retraite, à des allocations chômage. Nous avons le droit  de ne pas avoir peur de tomber malades lorsque nous travaillons. Notre travail rigoureux au plus proche du terrain vous permet de savoir ce qu’il se passe à l’autre bout du monde. Donnez-nous les moyens de continuer à exercer notre métier.


TRIBUNE signée par plus de 170 journalistes, correspondants ou ex-correspondants à l'étranger, exerçant ou ayant exercé dans les pays suivants : Afghanistan, Afrique du Sud, Allemagne, Argentine, Autriche, Bahreïn, Belgique, Bénin, Birmanie, Bolivie, Brésil, Burkina Faso, Cambodge, Canada, Centrafrique (RCA), Chili, Chine, Chypre, Colombie, Congo (RDC), Corée du sud, Côte d'Ivoire, Egypte, Espagne, Etats-Unis, Éthiopie, Géorgie, Ghana, Grèce, Guinée, Hong-Kong, Hongrie, Inde, Irak, Iran, Irlande, Israël, Italie, Kenya, Kosovo, Liban, Libéria, Lituanie, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Mexique, Moldavie, Niger, Nigeria, Palestine, Pays-Bas, Pérou, Pologne, Portugal, Roumanie, Royaume-Uni, Russie, Sénégal, Suède, Soudan, Taïwan, Tchad, Thaïlande, Togo, Tunisie, Turquie, Ukraine.

Travaillant ou ayant travaillé pour les médias suivants : AFP, Alternatives Economiques, Arte, BFM TV, Canal+, CNews, Courrier International, Dernières Nouvelles d'Alsace, Europe 1, France 24, France Culture, France Info, France Inter, France Football, La Croix, L'Équipe, Le Figaro, Le Monde, Le Monde Afrique, Le Parisien, Le Point, Le Point Afrique, Le Télégramme, Les Echos, L'Express, Libération, Marianne, Medi 1, Mediapart, Mind RH, Ouest France, Revue XXI, RFI, RTL, So Foot, Sud Ouest, TV5MONDE, VoxEurop.

Avec le soutien des organisations suivantes : Syndicat national des journalistes (SNJ), CFDT-Journalistes, SNJ-CGT, Profession : Pigiste, Radio Spartacus, Collectif Les Journalopes, Collectif La Fourmilière.

"Améliorer les conditions de travail des correspondant.es à l'étranger" - Séminaire lundi 16 octobre de 14 à 18 heures au Sénat (Palais du Luxembourg), salle René-Monory, 15 rue de Vaugirard, Paris 6.
Le programme
Inscription obligatoire (y compris pour accéder au lien visio)

Paris
Samedi 14 octobre 2023
Accès pour tous